Une faillite frauduleuse peut conduire à une interdiction professionnelle devant le juge civil

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Posted by Faillitimmo on 14 février 2025
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Une faillite frauduleuse peut conduire à une interdiction professionnelle devant le juge civil (2025)

Le tribunal de l’entreprise peut interdire à un chef d’entreprise qui a commis une « faute grave et caractérisée » ayant contribué à la faillite de diriger une nouvelle société.

Par un arrêt du 19 septembre 2024, la Cour constitutionnelle a validé la légalité de l’article XX.229 du Code de droit économique qui permet de prononcer, à l’égard d’un dirigeant d’entreprise, une interdiction de diriger une nouvelle entreprise lorsqu’il a commis une « faute grave et caractérisée » ayant contribué à la faillite.

Cette décision intervient dans un contexte où le nombre de créations d’entreprises a connu une explosion depuis la réforme du droit des sociétés de 2019, qui a largement facilité la constitution de sociétés en Belgique en permettant, notamment, la constitution de société sans capital social, voire sans le concours d’un notaire.

En l’espèce, en février 2021, une entreprise spécialisée en transport est déclarée en faillite à la demande de l’Office national de Sécurité sociale. À l’occasion de cette faillite, il est apparu que le gérant avait négligé ses obligations fiscales et comptables, accumulé des dettes suite au non-paiement des dettes fiscales sociales et amendes, et posé des actes au mépris des droits des tiers.

Ces fautes ayant été considérées comme graves et caractérisées ayant contribué directement à la faillite de la société, le tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles a prononcé à l’égard de ce gérant une interdiction d’exploiter une autre entreprise pendant une durée de dix ans. Le gérant a fait appel de cette décision.

L’interdiction professionnelle n’est pas une sanction pénale

La cour d’appel de Bruxelles considère, quant à elle, que les fautes sont, en effet, établies de sorte que l’interdiction est légalement justifiée par le premier juge, mais elle estime que cette interdiction constitue une sanction à caractère pénal. Elle décide, dès lors, d’interroger la Cour constitutionnelle sur la conformité d’une telle sanction avec les principes de légalité et de prévisibilité du droit pénal, tels que consacrés aux articles 12 et 14 de la Constitution.

Dans sa décision de septembre 2024, la Cour constitutionnelle souligne qu’il n’est pas nécessaire d’examiner si la mesure d’interdiction revêt un caractère pénal dans la mesure où les conditions de mise en œuvre de l’article XX.229 CDE répondent aux exigences de clarté et prévisibilité. En effet, la notion de « faute grave et caractérisée », fondant une telle interdiction professionnelle, est encadrée par la jurisprudence depuis de nombreuses années et permet aux entrepreneurs de faire preuve d’une vigilance accrue dans la gestion de leurs sociétés.

L’article XX.229 du CDE organise, en réalité, une protection du marché dont l’objectif est clair: empêcher des dirigeants d’entreprises ayant causé une faillite, par la commission d’une faute grave, de récidiver et de nuire à l’ensemble de l’économie.

Si ces agissements peuvent effectivement être sanctionnés sur le plan pénal, les procédures pénales sont longues et les acteurs correctionnels sont débordés. L’avantage de la voie civile organisée par l’article XX.229 du CDE est du reste plus efficient puisque le tribunal de l’entreprise chargé de prononcer une éventuelle interdiction professionnelle est parfaitement informé des causes et conséquences de la faillite qu’il a lui-même prononcée.

Un signal fort pour les chefs d’entreprise

Un signal fort est envoyé aux chefs d’entreprise: une gestion défaillante et fautive peut entraîner des conséquences lourdes et durables. Cette jurisprudence permet également de rappeler l’importance d’une bonne gouvernance au sein des entreprises ainsi que le renforcement de la vigilance des tribunaux face aux pratiques de certains entrepreneurs exerçant une activité économique sans respecter leurs obligations fiscales et sociales aboutissant, dans certains cas extrêmes, à faciliter le blanchiment de capitaux.

À l’heure où l’économie belge repose de plus en plus sur les PME et les start-ups, le message est limpide: la création d’entreprise en Belgique est une opportunité, mais elle s’accompagne de responsabilités. Le développement entrepreneurial belge, tel que facilité par la réforme du droit des sociétés, ne doit pas devenir un terrain propice aux abus ou aux faillites frauduleuses.

Virginie Schoonheyt.
Avocate chez Cairn Legal.

Une faillite frauduleuse peut conduire à une interdiction professionnelle devant le juge civil (2025)

Une faillite frauduleuse peut conduire à une interdiction professionnelle devant le juge civil (2025)

Voir aussi : L’ONSS en faillite ?

Source: Echos

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